Louis-Denis Ebacher
Le Droit
Même en «vacances» en Floride, un enfant d’Ottawa battu et martyrisé en 2013 n’a pas pu aller à la plage et profiter de la mer. Son père le gardait enchaîné dans la chambre d’hôtel.
Le procès du père, un ex-policier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté aux enquêtes sur le terrorisme, a débuté lundi. Les audiences font place à des récits à glacer le sang.
Jonathan (nom fictif) a aujourd’hui 13 ans. Il avait 11 ans lorsqu’il aurait été maltraité par son père. L’homme au gabarit imposant l’a gardé enchaîné, menotté et affamé dans le sous-sol de la résidence familiale de Kanata pendant six mois.
Un soir de février, l’enfant a réussi à s’échapper de la maison et a demandé à manger à des voisins, qui ont tout de suite appelé la police en voyant ce petit être affamé. C’est ainsi que ce scandale familial a éclaté.
Selon les autorités médicales, l’enfant était dans un état de famine qui aurait pu engendrer sa mort.
Jeudi, le père, qu’on ne peut identifier afin de protéger l’enfant, a demandé à son avocat, Robert Carrew, de suspendre l’audience pour cause médicale.
Me Carrew a expliqué au juge que son client se sentait mal et qu’il désirait aller voir son psychologue dans la région de Montréal.
Les travaux de la cour ont été suspendus jusqu’à vendredi matin.
Voyage en Floride
Dans la vidéo enregistrée il y a deux ans par la police d’Ottawa, le jeune raconte que sa famille avait pu aller à la plage, en Floride, alors que lui avait été confiné dans la chambre d’hôtel.
Sa nourriture était rationnée, en vacances comme ailleurs. L’enfant a dit se nourrir comme il pouvait en mangeant des biscuits, du beurre d’arachide ou du chocolat. Ses besoins étaient faits dans un seau. Lorsqu’il était attaché, il ne pouvait se nourrir ou boire de l’eau.
Encore une fois, le père a agi ainsi pour le punir. Il l’accusait tantôt de mentir à ses parents, ou encore d’avoir embrassé une fille.
Lorsqu’il faisait ses devoirs à la maison, toujours selon son récit, son père criait encore. «Pourquoi ne fais-tu pas tes devoirs correctement? Je sais que tu es meilleur que cela», disait le père.
«C’est alors, poursuit Jonathan, qu’il commençait à me battre. Un moment donné, il m’a frappé au visage. Ma dent s’est cassée, et ensuite il m’a fait toutes sortes de choses.»
La rage de l’homme s’est traduite par des coups de bâton, des brûlures avec le métal chaud d’un briquet à barbecue, l’enchaînement de l’enfant à un poteau, les menottes aux poignets et des nuits passées – attaché – dans un simple sac de couchage, au sous-sol.
Le père a une fois abandonné son enfant sur le bord de la route, à Kanata, en pleine nuit. Il s’agissait d’une autre punition parentale.
Forçant son fils à faire des pompes, il a, à une reprise, donné un coup de pied à la tête de Jonathan, trop épuisé et incapable d’en faire davantage.
Jeudi, la cour a entendu l’enfant raconter comment son père l’avait pris par la gorge pour le soulever, et comment il avait failli le noyer en lui plongeant la tête dans l’eau de la toilette.
Sa belle-mère, qui fait aussi face à des accusations criminelles, allait parfois le visiter au sous-sol pour le nourrir. «Elle essayait de le calmer, des fois», a expliqué l’enfant.