Louis-Denis Ebacher
Le Droit
Le ton a changé lors du contre-interrogatoire du fils témoignant contre son père, dans cette triste et sordide histoire rappelant celle d’Aurore l’enfant martyre, à Ottawa.
L’adolescent de 13 ans, qui en avait 11 lors de son évasion du domicile familial, témoigne depuis la semaine dernière. Son père, autrefois affecté à la lutte antiterroriste à la Gendarmerie royale du Canada, est accusé de voies de fait graves, de voies de fait armées, de séquestration et de manquement au devoir de fournir les choses nécessaires à la vie. La belle-mère de l’enfant est aussi accusée.
L’avocat du père, Me Robert Carew, s’est montré incisif, mardi, et a confronté Jonathan (nom fictif). Il tente de démontrer que la mémoire de la victime alléguée n’est pas fiable et qu’il a menti à plusieurs reprises aux enquêteurs, ainsi qu’à son père.
Me Carew a analysé plusieurs photos de l’enfant, seul ou avec son père, «en train de passer du bon temps» au parc, tenant un cerf-volant, jouant de la musique ou au soccer. D’autres photos de lui, où il a visité un musée puis profité de la plage lors d’un voyage en Floride, le montrent tout aussi souriant. «Ce sont de faux sourires», a insisté le témoin, aujourd’hui adolescent. «Le musée, le restaurant, la plage, c’est une seule journée. Le reste de la semaine (en vacances en Floride), j’étais privé de nourriture.»
«Quand ma mère (biologique) est morte en 2009, je suis déménagé chez lui. Au début, ça allait bien. Avec le temps, il me demandait de plus en plus ce que ma mère avait dit de mal sur lui, avant de mourir. Je ne savais pas. Donc, il a commencé à me frapper.»
Jonathan (nom fictif)
la victime alléguée
Jonathan a déjà raconté son confinement dans le sous-sol de la maison familiale pendant plusieurs mois, tantôt menotté dans le dos, tantôt enchaîné aux chevilles. Battu et privé de nourriture, l’enfant était puni pour avoir menti ou pour avoir adopté l’un ou l’autre des comportements que son père n’aimait pas, comme celui de donner un baiser à une fille.
«Il a commencé à me faire faire des pompes (entre 500 et 2000) ou des redressements assis pour me punir. Quand ma mère (biologique) est morte en 2009, je suis déménagé chez lui. Au début, ça allait bien. Avec le temps, il me demandait de plus en plus ce que ma mère avait dit de mal sur lui, avant de mourir. Je ne savais pas. Donc, il a commencé à me frapper.»
Me Carew a souligné à plusieurs reprises que l’enfant n’avait pas «l’air misérable» sur les photos. «C’était avant les faits», a répondu l’adolescent. Le jeune pesait environ 50 livres lorsque la police et les services sociaux l’ont pris en charge. «Pourquoi n’étais-tu pas musclé à force de faire des pompes?» a demandé Me Carew. «J’étais maigre parce que je ne mangeais pas», a répondu le témoin, toujours avec aplomb.
Le pire épisode aurait débuté lors du voyage en Floride, et aurait pris fin avec sa fuite de sa résidence de Kanata, en février 2013. Il a expliqué qu’il était alors incapable d’endurer davantage de violence et avait fait le choix de quitter le nid familial.